Le village de potiers de Sevrey au Moyen Âge et aux Temps modernes : un site archéologique exceptionnel 

Par Antoine Guicheteau, Inrap

Les découvertes les plus récentes situent vers la fin du Ve ou le début du VIe siècle l’implantation des premiers potiers à Sevrey. Ces derniers s’installent sur les vestiges d’un établissement rural antique, situé dans le nord du village actuel, dont les ruines étaient sans doute encore visibles dans le paysage. Si le Chalonnais est une terre de tradition potière depuis l’Antiquité, c’est bien la présence de deux formidables axes de circulation des personnes et des marchandises, situés à l’est du village actuel, qui font l’intérêt du site de Sevrey : la voie d’Agrippa, axe routier romain toujours utilisé au haut Moyen Âge, et la Saône, voie fluviale et navigable, relient la Méditerranée au nord de la Gaule.

À l’ouest du village, les forêts permettent un approvisionnement en bois, employé en quantité importante comme combustible notamment. Mais l’atout principal du site semble bel et bien être l’argile. Les archéologues ont pu identifier un épais banc d’argile, au sein de dépôts lacustres vieux de plusieurs centaines de milliers d’années, accessible sur des dizaines d’hectares. La qualité et l’abondance de la ressource sont remarquables. Elles expliquent l’implantation des ateliers, mais aussi leur importance et leur pérennité à travers les siècles.

La proximité d’une ville comme Chalon-sur-Saône, place commerciale majeure dès l’époque gauloise et lieu de consommation, est également un facteur déterminant. Qui plus est, cette ville accède à un statut politique de premier ordre en devenant la capitale du royaume mérovingien de Burgondie au VIe siècle. Les ateliers de potiers du Chalonnais tournent alors à plein régime, et Sevrey, le plus vaste identifié, est sans doute à son apogée.

D’après les dernières découvertes archéologiques, Sevrey apparaît alors comme une véritable agglomération artisanale, développée sur près d’une trentaine d’hectares. Les maisons sont construites en terre et en bois, et les traces des installations des poteaux en bois se lisent encore dans le sous-sol. Les archéologues retrouvent des creusements en grand nombre, dont les fonctions renvoient fréquemment à l’artisanat, et on ne compte plus les dépotoirs de rebuts de cuisson, des vases dont les défauts ne permettent pas la commercialisation. La production est tellement massive que l’on retrouve des vases de Sevrey jusqu’à Arles et en Suisse. Sans doute dès la fin du VIe siècle ou le début du VIIe siècle, les morts sont déjà regroupés dans un cimetière, à son emplacement actuel, témoignage d’un remarquable phénomène de continuité topographique du domaine funéraire. La présence d’un premier lieu de culte reste pour l’instant hypothétique, même si la dédicace de l’église actuelle à saint Martin, réputé comme évangélisateur de la Gaule, suggère une origine ancienne.

L’archéologie montre de nouvelles formes d’organisation de l’espace à partir de la fin du VIIIe siècle, caractérisées par la densification des espaces bâtis et le regroupement des ateliers. C’est à cette époque que les autres ateliers du Chalonnais disparaissent et que la production potière se concentre à Sevrey, pour un nouvel âge d’or, perceptible jusqu’au début du XIe siècle. De nombreux fours de potiers de cette période ont été mis au jour dans le village, permettant de mieux comprendre les techniques de production.

De nouvelles productions potières apparaissent au cours du Moyen Âge central, notamment les céramiques glaçurées, illustrant la capacité des potiers de Sevrey à maîtriser de nouvelles techniques. Les premiers documents écrits nous permettent alors de mieux connaître la vie des potiers de Sevrey, regroupés dans un groupe professionnel qualifié de métier.

La production potière décline dans le courant du XVIIIe siècle, du fait de la concurrence accrue de la faïence et de l’emploi d’autres matériaux pour le vaisselier, avant de disparaître au XIXe siècle. La mort du dernier potier en 1872, Lazare Baron, signe paradoxalement le début de l’intérêt des historiens et des archéologues pour l’histoire du village de Sevrey et de la céramique. Aujourd’hui, les fouilles conduites régulièrement avant toutes constructions, selon le système de l’archéologie préventive, ont considérablement enrichi notre connaissance du site et des productions de céramique, soulignant l’importance et le caractère exceptionnel du patrimoine archéologique de Sevrey. Surtout, les dernières recherches soulignent également la nécessité de poursuivre les travaux entamés, au gré des chantiers comme en laboratoire, du fait d’un grand nombre de questionnements encore sans réponse.

 

 

 

 

 

 

Pichets glaçurés du XIIIe siècle                                           Exemples de poteries produites à Sevrey

Les principes de l’archéologie préventive en France

Par Antony Gaillard, Inrap

Chaque année en France, des centaines de kilomètres carrés sont concernés par des travaux d’aménagement qui peuvent porter atteinte au patrimoine archéologique. Les archéologues interviennent donc, sur décision de l’Etat, avant certains chantiers de construction pour conduire des recherches qui permettront de sauvegarder les témoignages de notre passé en les étudiant. C’est ce que l’on appelle l’archéologie préventive. En fonction des données scientifiques déjà existantes, certaines communes peuvent être plus suivies que d’autres et faire l’objet de davantage de prescriptions. C’est le cas à Sevrey où l’ampleur des vestiges et leur importance scientifique requièrent des études très poussées de la part des archéologues.

Une opération archéologique préventive comporte deux phases : le diagnostic et, le cas échéant, la fouille. Le diagnostic consiste le plus souvent en des sondages ponctuels à la pelle mécanique. Si des vestiges sont découverts, une prescription de fouille est alors émise par les services de l’Etat. Sinon, l’hypothèque archéologique est levée. Les diagnostics archéologiques sont financés par une redevance due par toute personne physique ou morale effectuant des travaux d’aménagement et calculée selon des modalités fixées par le Code du Patrimoine.

La fouille, si elle est réalisée (il peut y avoir modification ou abandon du projet), permet d’étudier un site sur toute la surface impactée par la future construction. Le coût de la fouille est facturé à l’aménageur. Toutefois, ce coût peut être pris en charge par un fonds spécial, notamment pour des logements locatifs aidés et des logements construits par une personne physique pour elle-même. Dans tous les cas, ces étapes induisent des délais incompressibles qu’il faut intégrer dans le calendrier d’un projet immobilier. Pour de plus amples informations, vous êtes invités à contacter le service régional de l’archéologie à la Direction régionale des affaires culturelles.

 

 

 

 

 

 

 

 

Four de potiers du IXe siècle

 

< Rejet de ratés de cuisson du Xe siècle  dans une fosse de décantation